Pérégrination d’un non-mort

Ouais sans blagues, ouais, et ça c'est le forum à Chimel ouais, C'EST QUOI MON NOM?

Modérateur : Chimel

chernobyl
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Pérégrination d’un non-mort

Message par chernobyl »

Je me réveille, une fois encore, une fois de trop. Mes yeux grands ouverts ne voient que le noir terrifiant de la mort. Ma bouche entrouverte a encore ce gout de terre et de sang des fosses communes. Le poids sur mon corps me rappelle qu’une fois encore j’ai été tué… Enfin, suffisamment amoché pour ne plus pouvoir bouger. Un paysan a sans doute cru bien faire en me faisant enterrer et, à vrais dire, il avait bien fait. Maintenant il va surtout falloir que je sorte d’ici. Je ne sais plus si je dois remercier mon manitou ou me morfondre d’être encore en vie. Qu’en est-il de ma vie depuis ces nombreuses années ? Je ne peux plus mourir et je suis affranchi de la majorité des contraintes existentielles. En échange de quoi… au moins ici sais-je que je suis en sécurité. Personne ne viendra retourner cette fosse avant un moment, je peux y rester un petit moment. J’ai envie de dormir, de m’endormir du sommeil du juste, mais ce simple plaisir m’est étrange depuis trop longtemps maintenant.
La cicatrice sur ma tête me fait mal, une douleur que je ne saurais décrire. Ce n’est pas une douleur comme avant, pas comme lorsque je me suis blessé avec mon couteau. Non, il s’agit d’une autre douleur, une douleur dans mon âme, une douleur qui me rappelle que je ne suis plus vraiment humain, ni vraiment tout seul. En sortant, il allait falloir que je trouve un nouveau chapeau… fais chier.
Écrasé sous cette masse de corps et de terre, je n’ai pas le loisir de contempler l’état de mes blessures. J’aime bien savoir ce qu’il s’est passé, c’est toujours un petit bout d’histoire, mais pour le moment, je dois juste attendre, attendre et manger. C’est ça qui est bien dans les fosses, il y a toujours à manger, et ce qui est en dessus est souvent plus frais que moi. Je tends un petit peu le coup, mordant dans la chair offerte. Du sang coule le long de son dos, sans doute pas le sien, mais qu’importe. Je m’enivre de son gout légèrement salé, je le sens couler le long de ma langue.
À quel moment ai-je arrêté d’être révulsé à manger de la viande humaine ? Je sais que c’est mal vu et en temps normal je ne le ferais pas, mais… quelle est la différence entre la cuisse d’une bête et ces corps, abandonnés là sans personne pour les soutenir ? En quoi est-ce pire de manger cette chair qui a tout juste été sanctifiée avant d’être balancée au lieu d’un gigot de bête ? Pourquoi les asticots auraient-ils plus de droits que moi ? Je sens mes dents s’enfoncer dans la chair. Un homme ? Une femme ? Un enfant peut-être ? Je n’en sais rien et à vrais dire… cela ne me change rien. C’est de la viande, un beau morceau de viande un peu grâce qui me permettrait de me soigner un petit peu plus vite. Pour avoir été mis ici, cela n’a pas dû être joli et je sais que j’en aurai au moins pour quelques jours… alors, autant passer le temps de manière agréable. Manger et boire, le roi parmi les larves du charnier. Celui qui mange le premier, celui qui a droit aux meilleurs part.
Est-ce que c’est lui ? Est-ce que c’est moi ? Est-ce son influence qui a ainsi modelé mes pensées ? Est-ce lui qui m’a insidieusement fait entrevoir qu’humains et animaux sont faits d’une chair aussi douce au gout l’un que l’autre ? Est-ce que mes limites d’aujourd’hui, de ne manger que la chair passée au-dessus de moi dans le charnier, seront celles de demain ?
chernobyl
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Re: Pérégrination d’un non-mort

Message par chernobyl »

Mes bras sont encore lourds, tout comme mes jambes. Tous ces morts m’ont donné leurs vies… formulation amusante quand on y pense… pour que je puisse revenir. J’ai senti chacun de mes muscles se reconstituer, lentement mais surement. D’ici quelques jours il ne restera plus que la grande cicatrice sur mon crâne. Une fois encore je suis mort, il faudra que je trouve un nouveau nom et quelques habits avant de prendre connaissance de ma prochaine mission.

Je m’assieds au bord du charnier, je me sens encore un peu faible, mais au moins j’y vois quelque chose. La chaux donne un gout désagréable aux corps, mais les plus frais sont au-dessus. Je n’ose imaginer la tête que feraient d’éventuels passants, à me voir, encore passablement cassé, dévorant quelques membres, ne laissant plus de peau sur les os. Je savais qu’il fallait que je rampe en dehors de la fosse, trouver un lieu me permettant à mes blessures de guérir, mes os se souder, ma peau se refermer, mes muscles se reformer. D’ici quelque temps, mon corps sera réparé et le monstre aura à nouveau forme humaine.

Je voyais l’aube pointée, un peu de lumière. Bientôt les premiers badauds allaient arriver au cimetière, je devais me déplacer avant ça. J’emporte une jambe et le cadavre d’un nourrisson avant de ramper dans un buisson, un peu à l’abri. La chair grasse du petit saurait compléter avec aisance la viande un peu dure de la cuisse et, je le savais, cela me permettrait de tenir au moins le temps de me remettre. Je ne vais plus faire long feu dans cette ville de toute manière… peut-être, visiter l’orphelinat pour me repaitre d’un petit ? Une dernière trace du croque-mitaine.
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