Un matin ordinaire (divagations)

Ouais sans blagues, ouais, et ça c'est le forum à Chimel ouais, C'EST QUOI MON NOM?

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Aikau le bo
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Un matin ordinaire (divagations)

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Un matin ordinaire (divagations)
Épisode 1


Une autre Amérique
Une autre année 1868
Une autre Guerre de Sécession


C’était un matin ordinaire pour le caporal John Dunba. Le café était mauvais, l’ordinaire de la cantine était mauvais, les nouvelles bottes promises restaient un rêve, le tabac restait mal séché. Les cadavres jonchaient la plaine. Une routine décevante, bien loin des rêves de gloires dont le recruteur lui avait farci la tête lors de son enrôlement. John ne se souvenait plus guère d’avant. Ou plutôt, il n’était plus très sûr de s’en souvenir. Était-ce un rêve ? Avait-il eu une vie avant ? Bien sûr qu’il avait eu une vie avant, mais laquelle ? Tout cela était trop compliqué, demandait trop d’effort. Et puis, à quoi bon, après tout ?

L’habitude soutenait John, comme une entêtante ritournelle. Le pilonnage de l’artillerie avait cessé depuis dix minutes. Les assauts avaient commencés depuis peu, vagues hurlantes de soldats indistincts chargeant au travers des barbelés, au milieu des corps pourrissants, devant les rafales de mitrailleuses gatling 3K. Dans deux ou trois heures, les survivants rentreront, comme d’habitude. Ils croiseront leurs adversaires sur le chemin du retour. Certains se salueront, quelques jeunes recrues tireront encore mais la plupart seront trop hébétés pour faire faire autre chose que poser un pied devant l’autre, encore et encore, jusqu’à se retrouver derrière ses propres lignes. On entendra les cris, les râles, les suppliques des blessés hurlant qu’on vienne les sauver pour les plus sots, criant qu’on les achève pour les plus résignés. Personne ne va plus chercher les blessés depuis longtemps. Quand un soldat est trop durement touché pour retourner seul dans son camp, c’est qu’il est trop durement touché pour continuer à sa battre. Pourquoi risquer sa vie pour lui ? Les tireurs n’attendent que ça, leurs fusils à lunettes entrant en action dès le retour de leurs propres soldats. Au début ils tiraient tout de suite, mais ils touchaient autant leurs camarades que leurs ennemis en raison des uniformes rendus méconnaissables, maculés de boue et d’un sang absurdement semblable dans les deux camps. Alors, comme d’habitude, on entendra les gémissements. Forts au début puis de plus en plus faibles, puis plus rien, jusqu’au lendemain. Et puis, ça recommencera, comme d’habitude. Encore et encore, jusqu’à la fin des temps.
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Épisode 2

C’était matin ordinaire pour le caporal John Dunba, jusqu’à ce qu’un sergent quelconque lui annonce que le lieutenant Potter le convoquait lui et une dizaine d’hommes dans sa tente à deux heure de l'après-midi. Tout d’abord, John ne compris pas bien ce qu’on attendait de lui. Quand il ne participait pas à l’assaut, la journée était normalement consacrée aux tâches routinières : il avait ses gars à houspiller, sa portion de tranchée à renforcer, son alcoool à quémander ou à voler si besoin. Comment faire si tout était chamboulé, comment s’y retrouver ? Ça n’avait aucun sens.
Mais comme rien n’avait réellement de sens ici, John se présenta devant le lieutenant Potter. Ce dernier ressemblait à tous les officiers : bien nourri, bien rasé, bien planqué.

« Repos soldats, dit-il en levant à peine les yeux vers John et ses camarades, derrière son « bureau » constitué de deux planches sur des caisses en bois. Je vous ai convoqué aujourd’hui pour vous assigner une mission qui sort de l’ordinaire, ce qui, j’en suis sûr, sera plaisant pour vous. »

Qu’est-ce qu’il en sait, pensa John, de ce qui est plaisant pour nous ? Bien sûr, il n’en dit rien. On fusillait beaucoup, ces temps-ci.

« A vingt-deux heures il y deux jours, un détachement a opéré une reconnaissance ici, dit l’officier en pointant vaguement un point sur une carte tellement raturée et usée qu’elle aurait pu représenter n’importe quoi. Leur mission était découvrir pourquoi l’ennemi concentre son action offensive sur cette zone de la ligne de front alors qu’elle ne représente aucun avantage stratégique significatif. La topographie du terrain correspond à une gorge relativement encaissée. L’endroit est difficile d’accès et il est impossible d’y faire passer du matériel lourd sans contourner largement la gorge. Le détachement devait rentrer ce matin et nous sommes sans nouvelles. Aucune observation directe n’est possible et nos nouveaux dirigeables ne sont toujours pas arrivés. »

John ne fut nullement surpris d’apprendre qu’aucun dirigeable n’était disponible. Le bruit courrait que le colonel Sneach, dont ils dépendaient tous ici, n’était pas en odeur de sainteté auprès de l’état-major. La raison de cette disgrâce variait selon les versions : une rivalité pour les faveurs d’une dame, une réception qui aurait mal tournée, le neveu d’un autre colonel qui aurait dû monter en grade ou, en guise de terme générique, la politique. Quelle que soit la véritable raison, la conséquence était qu’ils se retrouvaient avec du matériel de seconde main, des appuis restreints, des objectifs inutiles ou suicidaires… enfin, plus souvent que le reste de l’armée.

« Votre objectif sera de retrouver le détachement précédent mené par le caporal Fork et de récolter toutes les informations utiles permettant de déterminer les raisons de l’activité ennemi intense dans cette zone. Départ cette nuit à dix heures. Equipez-vous en conséquence. Vous serez sous le commandement du caporal Dunda. Des questions ? »

Personne ne dit rien. Aucune des questions véritablement importantes n’auraient trouvé de réponse. Pourquoi ? Comment ? En ces lieux, seuls subsistent les interrogations, jamais les raisons, jamais les réponses, à part l’ultime, la dernière.
Dernière modification par Aikau le bo le ven. oct. 30, 2015 2:10 pm, modifié 1 fois.
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Episode 3

L’équipe rompît et se prépara. Paquetage d’assaut, vivres pour deux jours, munitions, beaucoup de munitions… Pris d’une soudaine inspiration, John se muni également de trois bâtons de dynamite. Pris d’un habituel et irrationnel sens de la survie, il ordonna à un jeune soldat de les porter. Survivre est une habitude autant qu’une accumulation d’expérience, mais John savait bien qu’au final ne reste que la chance qu’il faut savoir mettre de son côté.

Chacun vaqua à ses occupations et le caporal John Dunba fit semblant de préparer un plan. A quoi bon ? Les indications du lieutenant tenaient au mieux de la blague, les données géographiques se résumant à un « par ici », à un « par là » ou un « aux dernières nouvelles, un gars de la cavalerie à dit à un autre de l’infanterie que… ». Personne ne se souciait vraiment du succès de la mission. Personne ne souciait vraiment de savoir qui revenait et comment, pas même les principaux protagonistes, trop habitués aux absurdités de la guerre pour encore s’en émouvoir. John espérait se déplacer sans se faire remarquer jusqu’à la gorge, découvrir rapidement le cadavre de son prédécesseur le caporal Fork, ramener une preuve de sa mort et revenir aussi vite que possible. En ce qui concerne la raison de l’activité ennemi, il trouvera bien un truc sur le chemin du retour, on trouve toujours...

Dix soldats, onze avec moi, se dit John. Un mauvais chiffre. Trop pour être vraiment discret et rapide, pas assez pour contrer une véritable force de frappe. Pour arriver au secteur visé, il fallait traverser les zones de bombardement, les terrains minées, les inextricables labyrinthes de barbelés, les zones à découverts propices aux tireurs. Et au milieu de tout ça, les cadavres, les corps démembrés, les bouts d’humains calcinés, coupés, tranchés, hachés, certains morceaux n’étant guère plus qu’un tas de bidoche, d’autres curieusement conservés comme si leur propriétaire les avait laissé là avant de repasser les prendre plus tard. Et puis, inexplicablement, subsistait ça et là un arbre magnifique, un carré de fleurs, une croix dressée par une quelconque secte évangélique. Les artilleurs évitaient soigneusement de toucher ces minuscules parcelles d’humanité dans cet environnement ravagé. Par superstition, car comment expliquer leur existence autrement que par l’intervention d’une Puissance ? Par stratégie, aussi, car les artilleurs des deux camps avaient besoin de points de repère dans cet océan mouvant de dévastation.

L’objectif était situé à au moins six heures de marche au travers d’un enfer qui donnait raison à ceux qui prétendaient que l’apocalypse avait eu lieu, et que Dieu avait jugé l’humanité indigne de Son pardon. John, lui, jugea son équipe avec la sévérité du désespoir : cinq bleus qui allaient probablement y passer, quatre vétérans que John connaissait bien et en qui il pouvait avoir confiance et, finalement, le soldat de première classe Finch. Finch le fou, Finch le maboul, Finch le chien parce qu’il roulait constamment des yeux comme un clébard. Finch avait vu tous ses camarades tomber en une seule fois, fauchés par les mitrailleuses contre lesquels on les avait lancés. Il avait rampé près de cent mètres sur les blessés hurlant et les morts les tripes à l’air pour finalement se retrouver à son point de départ, seul, bavant, tremblant, le regard halluciné. Les gradés avaient hésité entre lui donner une médaille pour bravoure ou le fusiller pour lâcheté. Finalement, comme il était maintenant dément, ils l’avaient laissé en vie et sans médaille. Depuis, Finch revenait toujours des assauts. Toujours. Quelques fois blessé, souvent couvert de sang, mais toujours en vie. Peut-être, se dit John, que Finch restait en vie parce que son esprit était déjà mort, peut-être. Il répondait quand on lui parlait, suivait les ordres aussi absurdes soient-ils, mais quand on le regardait dans les yeux on voyait, tout, et alors on détournait le regard, et on buvait pour oublier ce regard qui lui n’oubliait pas et se souvenait, de tout.
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Episode 4


Le caporal John Dunda réuni son équipe à vingt-et-une heure trente. Il avait tenté de penser à un discours encourageant, motivant ses troupes avant la bataille contre un ennemi qu’ils connaissaient parfaitement puisqu’il s’agissait d’américains en tout point semblables à eux-mêmes. Mais John ne parvint pas à formuler quoi que ce soit de glorieux. Il ne fallait pas décourager les bleues. Les vétérans, eux, n’avaient pas besoin de discours, et il ne servait à rien de parler à Finch.

- « Bon, les gars, dit finalement John, vous en connaissez autant que moi sur la mission. Notre objectif n’est pas dans une zone de bombardement prioritaire, on évitera donc de se faire tirer dessus par notre propre canon. »

La blague fit ricaner les vétérans, la bleusaille aussi, avant qu’elle comprenne que ce n’était pas si drôle que ça.

- « On a jusqu’à l’aube pour atteindre la gorge. Là, on sera à l’abri. Faudra qu’on trouve la précédente troupe menée par le caporal Fork et qu’on découvre pourquoi ceux d’en-face tiennent tellement à contrôler un trou dans la plaine. On ouvre les yeux et on serre les fesses. On fait gaffe où on pose les pieds. On tire pas sur ses potes, sauf s’ils le demande. On tire pas non plus sur l’ennemi, sauf s’il tire en premier ou risque de donner l’alerte. A partir de maintenant, plus un mot, on se fait discret. Finch, tu ouvres la marche. »

Et la troupe partie. Onze hommes dans la nuit désormais tombée, éclairés par une lune voilée de nuages. Les campements ennemis se trouvaient à plusieurs kilomètres, au-delà de collines rabotées par la pluie quotidienne d’obus. En fait de pluie, pensa John en avançant dans la boue, il s’agissait souvent de bruine, voire d’une simple ondée. Les stocks d’obus s’épuisant vite alors l’ordre express de l’état-major était de bombarder l’ennemi quotidiennement pour saper son moral, les artilleurs en étaient réduis à se répartir entre eux les obus et à les rationner. Chaque jour, au moins un projectile partait. Quelques fois le bombardement durait une heure, d’autres, quand il y avait pénurie, que quelques minutes. Tout cela ne répondait pas un quelconque objectif stratégique, bien sûr. Seul importait la certitude de pouvoir certifier de façon certaine auprès des généraux que le bombardement était effectivement quotidien. Les assauts aussi étaient quotidiens, de la même manière. Dix hommes ou dix milles, peu importait. Onze morts ou onze milles, pensa John, peu importe.

Le rythme de progression était très lent. Dans cet environnement chaotique, dans l’obscurité, il était difficile de se repérer. Il fallait contourner les barbelés, les trous profonds. Il fallait regarder ses pieds pour ne pas se tordre une cheville tout en évitant de regarder sur quoi on marchait. Alors, l’imagination prenait le relais et peuplait la terre souillée de crânes, de mains, de feux-follets, de spectres. Des pensées étranges traversaient l’esprit de John. Peut-être, se disait-il, que l’espace séparant les deux camps était comme une faille dans le monde, dans la réalité. Peut-être que nous étions en train de briser quelque chose, comme ces plaques de glaces dans le grand Nord qui pouvaient faire la taille d’une ville et se séparer, dériver, ailleurs. Mais où vont les plaques de terre, lorsqu’elles se séparent ? Et, surtout, qu’est-ce qui remplit le vide entre elles ?
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Episode 5

La troupe contourna une zone d’assaut récente. Une section avait manifestement réussi à transporter des sacs de sable et une gatling plus d’un kilomètre en avant vers les lignes adverses. Un petit monticule témoignait d’une tentative de fortification totalement dérisoire contre les obus mais utile face à l’infanterie. Les vétérans évitèrent de regarder. Un vrai carnage. Les corps s’entassaient de manière obscène devant le mamelon ridicule de terre montée. On voyait les ombres des membres raidis se découper dans le clair-obscur de la nuit. Au moins vingt, peut-être trente hommes, se dit John. Toutes ses vies pour prendre ce sein de terre dressé, pointant sa mitrailleuse, fauchant les âmes, aspergeant le ventre de la terre de sang. Et pour quoi ? John ne connaissait plus d’autre raison que « suivre les ordres ». Tout se limitait à ça, rien de plus. Durant l’assaut, pensa John, on se transforme en bête. On hurle, on bave, on chie, on pisse et on saigne en même temps, dans un même mouvement dément. On fait partie de la horde quand on gagne, du troupeau quand on perd, mais on se transforme en autre chose qu’un humain. Toute pensée rationnelle devient impossible, seule subsiste la bête, et la bête veut tuer, veut vivre, la bête veut le sang. Et puis, on se réveille, quelques fois brutalement, en hurlant, comme après un cauchemar, quelques fois doucement, comme après une nuit passée auprès d’une putain attentionnée et syphilitique. Quelques fois, on ne se réveille plus vraiment, comme c’était le cas pour Finch.

Les soldats continuèrent leur chemin, en silence. La prudence imposait la discrétion mais certains, dont John, avaient aussi peur de réveiller les morts. Des histoires circulaient. Personne n’y accordait foi avant d’avoir passé une nuit dans la plaine, mais après... Trop de choses avaient changé depuis Gettysburg. La faille grandit, le monde s’écarte et autre chose prend la place, remplit l’espace vacant. Et nous y participons, pensa le caporal.

Le paysage défila dans un temps suspendu, comme dans un rêve en noir et blanc, avec ses marionnettes se déplaçant dans le décor. Les fantômes d’humanité avançaient vers la gorge, vers la faille dans la faille. Après, entre chien et loup, dans une aube naissante, une ombre plus profonde apparu plus loin. John fit arrêter la troupe et dit :

- « On arrive. On a encore juste le temps d’y être avant le soleil. Tenez-vous prêts, armes parées. Après ce creux, là-bas, on est complètement à découvert. On court et on descend dans la gorge aussi vite que possible. Gaffe à pas vous péter une jambe. Vous arrêtez pas, quoi qu’il arrive. »

Tous acquiescèrent, sauf Finch bien sûr. Ils avancèrent encore, prudemment, rampèrent dans un énorme cratère d’obus et observèrent. Rien, pas un mouvement à part les éternels corbeaux et corneilles débutant une nouvelle joyeuse journée de ripaille. Et puis, comme un seul homme, ils se levèrent et coururent. Quelques centaines de mètres seulement mais c’était comme si l’univers prenait conscience de la présence d’intrus et qu’un indicible œil géant s’ouvrait. Ils coururent. La luminosité augmentait mais une ligne d’obscurité régnait juste devant eux. Une sécurité. Un symbole. Un objectif. La bouche noire s’ouvrit et ils y plongèrent. Ils dévalèrent la pente abrupte, tombèrent, roulèrent, s’écorchèrent, glissèrent et sautèrent. L’obscurité les happa à nouveau, leur permettant d’échapper au cruel soleil. Ils étaient tous là, dans un creux d’une vingtaine de mètres de profondeur, soufflants, blessés mais vivants. Devant et derrière eux la passe continuait, sinuait, s’incurvait et serpentait. Ils étaient dans le ventre de la terre et John se senti presque immédiatement dans un autre monde. Cela ne ressemblait en rien à ce qu’il connaissait depuis si longtemps. Son champ de vision était coupé et cela avait paradoxalement quelque chose de rassurant, comme s’il était protégé des horreurs de la surface, alors même que le guerrier en lui hurlait de sortir au plus vite de ce lieu si propice aux embuscades.
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Episode 6

Les soldats se relevèrent, examinèrent leur matériel, leurs écorchures, leur environnement. Finch souriait. Pas John.

- « Ok les gars, c’est maintenant qu’on commence vraiment. Toi, le bleu, tu ouvres la marche. Finch, tu passes en dernier. Les autres, vous levez le nez et restez attentif. On s’arrête au moindre doute. Si on nous tend une embuscade depuis le haut de la gorge, ça va être un massacre. »

John ne regretta même pas sa dernière phrase. C’était l’évidence. Il suffisait de quelques types pas trop mauvais au tir pour tous les supprimer sans gros risques. Mieux : un ou deux bâtons de dynamites et les voilà piégés. Ou écrasés. Alors ils avancèrent dans une direction que le caporal Dunda indiqua sans hésitation, avec autorité, puisqu’il l’avait choisie au hasard. A quoi bon hésiter ? Ils s’enfoncèrent dans la gorge. Le soleil brillait faiblement maintenant dans un ciel qui se couvrait de nuages bas. Quelques traits de lumières filtraient au travers de la couverture nuageuse, esquivaient les parois de la passe, contournaient un rocher pour venir ostensiblement frapper le sol ocre et alors, pendant un bref instant, le brun devenait rouge vif, le terne devenait brillant et le dissimulé se révélait. Mais bientôt, la lumière se retirait et les douces ténèbres reprenaient leur droit absolu en ces terres. Si la guerre, songea John, change le cœur des hommes, pourquoi ne changerait-elle pas également la terre ? La terre, c’est quelque chose de vivant, non ? Et moi, pensa-t-il, je suis vivant, non ? Pour l’instant, oui, j’en suis presque sûr. Après, je ne sais pas, mais maintenant oui, comme la terre. Et les autres, est-ce qu’ils sont vivant ? John observa les soldats mais avait du mal à se concentrer. Par moment, il ne voyait plus ses hommes bouger, seules se succédaient des images fixes se remplaçant les unes les autres dans un rythme étrange, à la fois rapide et infiniment lent. Et puis, tout redevait normal et l’habituelle sensation d’être un mort qui marche reprenait le dessus, et John se sentait rassuré de retrouver son ordinaire, comme ce matin il y a des années où il avait été convoqué par le lieutenant Potter et où ce dernier lui avait dit :

- « Repos soldats. Je vous ai convoqué aujourd’hui pour vous assigner une mission qui sort de l’ordinaire, ce qui, j’en suis sûr, sera plaisant pour vous. »

Qu’est-ce qu’il en sait, pensa John, de ce qui est plaisant pour nous ? Bien sûr, il n’en dit rien. On fusillait beaucoup, ces temps-ci.

- « A vingt-deux heures il y deux jours, un détachement a opéré une reconnaissance ici, dit l’officier en pointant vaguement contre la paroi de la gorge un point sur une carte tellement raturée et usée qu’elle aurait pu représenter n’importe quoi. Leur mission était découvrir pourquoi l’ennemi concentre son action offensive sur vous alors que vous ne représentez rien et allez bientôt mourir. La topographie du terrain correspond à une gorge relativement encaissée comme vous pouvez le constater. L’endroit est difficile d’accès et il est impossible d’y faire passer du matériel lourd sans contourner largement la gorge, c’est pourquoi vous êtes seuls. Votre détachement devait rentrer ce matin et nous sommes sans nouvelles. Aucune observation directe n’est possible et votre existence n’a aucune signification, c’est compris caporal ? Caporal ? »

John cligna des yeux et se tourna vers un vétéran s’adressant à lui. Le soldat lui montrait du doigt la paroi et lui parlait manifestement puisque ses lèvres bougeaient. Sur la façade de pierre, il ne distingua tout d’abord rien de particulier. Roche, fissures, cailloux. Puis, alors qu’il s’apprêtait à replonger dans sa léthargie, il remarqua du coin de l’œil des formes étranges. Il fixa son regard dessus et ne vit plus rien. Il détourna son attention et vit. Il cessa de vouloir voir et les signes devinrent évidents. C’était des chiffres, des schémas, des lettres, des formules, des graphiques, des diagrammes, des nombres et des dessins. C’était comme un lichen qui s’étendait, qui partait d’un signe fort et grossissait. C’était des tâches sporadiques qui se rejoignaient parfois pour former des motifs complexes, baroques, à la fois d’une grande beauté et d’une angoissante étrangeté. C’était une formule mathématique d’une incroyable complexité. C’était une écriture vivante qui se déployait d’elle-même. C’était la plus belle chose que John ai jamais vu. C’était aussi une porte ouverte vers un océan de ténèbres qui cherchait à happer le caporal. Ce fut Finch qui le réveilla.
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Episode 7

Voyant que les soldats ne bougeaient plus, Finch s’immobilisa. Puis, après plus d’une heure d’attente, alors qu’aucun homme n’avait remué un cil, fixant toujours les dessins, il fut pris d’un besoin naturel. Il fit donc quelques mètres, s’accroupit derrière un rocher et déféqua. Et puis, après avoir remonté son pantalon et parce que c’était son habitude depuis des années, il se roula une cigarette. Après avoir tapoté toutes ses poches et fouillé sommairement son barda, Finch constata qu’il n’avait plus d’allumettes. Il fit donc ce qu’il faisait toujours dans ces cas-là, il tira la manche du soldat le plus proche de lui et demanda du feu. Comme le soldat ne réagissait pas, il passa au suivant, puis au suivant, puis suivant, posant toujours la même question et sans obtenir aucune réponse. Enfin, remontant la troupe, il arriva devant le caporal Dunda.

John, lui, observait la fresque. Il ne la comprenait pas et pourtant il avait la sensation qu’elle lui disait quelque chose d’essentiel. Il était fasciné par ces chiffres et ces lettres formant des phrases (sûrement), constituant un langage (probablement), il en était sûr (presque). Le clair-obscur dominait (dans les ténèbres), les diagrammes étaient opposés mais associés, les contraires se répondaient. Il n’avait aucune formation scientifique (ni de formation tout court), mais il était persuadé que s’il regardait suffisamment longtemps les dessins, il comprendrait leur signification profonde (et deviendrait fou). Déjà, il lui avait suffi de quelques minutes (lui semblait-il) pour saisir que tout cela parlait des inverses liés entre eux (de manière contre-nature). L’écriture était vivante comme un magnifique poème (ou un monstre) et invitait à la contemplation (de sa propre mort). Stimulant (comme une étincelle) et reposant (éternellement) à la fois. Si seulement John avait du feu, il pourrait faire cesser ce bourdonnement à son oreille et brûler dans les flammes d’une cigarette allumée par Finch à son côté parlant de feu en face tirant la manche roulant les yeux demandant encore presque mécontent de la cigarette éteinte à sa bouche ayant besoin d’être allumée par du feu qu’il a sur lui et qui fera cesser le bourdonnement à son oreille en levant la main vers sa poche et en sortant de/s léthargie/allumettes, John cligna des yeux et regarda Finch qui lui tirait la manche en répétant « T’as une allumette, capo ? Tu me passe une allumette, capo ? ». Le caporal Dunda sorti des allumettes les donna à Finch. « Merci, capo ! » dit Finch en allumant sa cigarette et en retournant tranquillement à sa place au bout d’une file de neuf soldats contemplant sans ciller les parois de la gorge.

Le caporal Dunda secoua son escouade, gueula, insulta, donna même quelques gifles bien senties. Il avait eu peur. Il s’était senti partir. Cela avait été bien plus profond que ses habituelles divagations, quand l’esprit s’embrume pour ne plus souffrir. Il tremblait, il était terrorisé et gueulait pour ne pas le montrer. Un vrai caporal ! En tout cas, pensa John, la moitié de la mission était accomplie : l’ennemi « concentre son action offensive » en raison de ces écritures « maudites » (« maudites », un terme à éviter, pour le rapport mieux vaut parler « d’inconnues »). Un autre équipe se chargera de découvrir le pourquoi – la guerre -, le comment – avec le sang des troufions – et le qui – ceux d’en face. Ne restait qu’à trouver quelque chose prouvant la mort du caporal Fork, son prédécesseur, ou attendre la nuit, rentrer au matin, arriver sans se presser en fin d’après-midi et prétendre n’avoir « détecté » aucune trace des soldats disparus. Normalement, il ne tenterait jamais un mensonge aussi évident. Si les gradés acceptaient facilement ce genre d’excuse, plus aucun groupe armé ne s’éloignerait de plus de cent mètre au-delà de ses propres lignes. Toutefois, grâce à la découverte des signes pas maudits mais sûrement codés (bon ça, codés), il pourra sans doute s’en tirer. Les informations valent chers, la chair de soldat ne vaut rien.
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Episode 8

La troupe se remit en marche. Les signes sur les parois se firent plus rares et finirent par disparaître. John pris garde à ne pas vérifier, au cas où ils réapparaîtraient. Il pensa brièvement à remercier Finch de les avoir… réveillés ? sauvés ? Mais Finch ne se préoccupait pas de remerciements. Finch ne se préoccupait plus de rien, sauf, en l’occurrence, de sa cigarette après avoir posé sa crotte. Une leçon à en tirer ? John en doutait, mais comment savoir ? Tout de même, il était inquiet et les hommes avaient peur. Ils murmuraient, attitude que tout caporal digne de ce nom interprète comme un grand malaise, contrairement au fait de râler, ce qui est le signe d’une troupe motivée, en bonne santé morale et physique. Quelques-uns, en particulier les vétérans, avaient compris que ce qu’ils avaient vu sortait des horreurs abominablement banales de la guerre. Des signes hypnotisant incompréhensibles, mais parlant néanmoins de vie et (surtout) de mort, n’entraient pas dans le catalogue pourtant sans fin des moyens de trucider son prochain. Étaient-ils tombés sur un site indien ? C’était possible, ces damnés Peaux-Rouges étaient partout et pratiquaient la plus noire des magies. John en doutait, cependant. Il n’avait jamais entendu parler d’Indiens faisant des diagrammes avec des chiffres. Les sauvages étaient tout justes bons à dormir dans des tipis et à s’enivrer à l’eau-de-feu. Bon, devait admettre John, depuis Gettysburg les sauvages avaient appris deux ou trois autres trucs, comme mettre en déroute toutes les armées blanches… mais les mathématiques, ça restait l’apanage de la civilisation, non ? Non, sans doute. Le caporal avait trop peu d’estime pour son pays, pour sa nation, pour dénigrer véritablement les Indiens, particulièrement alors que lui-même faisait la guerre à son propre peuple pour des motifs qui lui échappaient totalement.

Les hommes étaient inquiets, ils avaient peur, ils avaient découvert quelque chose qu’aucun être humain saint d’esprit n’aurait dû voir mais ils avançaient, s’enfonçaient dans la gorge. La guerre faisait rage là-haut mais, au moins, avec un impact de balle, une belle explosion ou une bonne mutilation, on savait à quoi s’en tenir. Ici, à peine plus qu’une dizaine de mètres sous la surface, on était dans un autre monde et l’expression « passer dans l’autre monde » n’avait plus du tout la même signification depuis quelques temps…
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Episode 9

De nouveau retourné à ses divagations, John fut totalement pris au dépourvu lorsqu’ils tombèrent sur la patrouille ennemie. Le chemin tournait brusquement sur la gauche puis s’élargissait largement. Là, à quelques mètres du coude que le caporal venait de franchir en premier en ouvrant la marche, il tomba presque nez-à-nez avec un soldat. La surprise fut totale, tant John était plongé dans ses interrogations stériles. Sa seule réaction, hautement professionnelle, fut de s’arrêter au milieu du chemin, de former un rond avec sa bouche et, d’un souffle presque éteint, de laisser tomber un « Oh ! » fort peu conforme aux usages militaire. Et ce fut tout. Il s’attendit à mourir, là, immédiatement, la bouche ouverte, les bras ballants. Mais personne ne bougea, personne ne le menaça, personne ne fit sauter son crâne d’une balle mettant fin à toutes les douleurs. Les soldats en face de lui, une dizaine apparemment, semblaient figés, comme des statues, les yeux écarquillés, fixant les parois de la gorge. John en était encore à tenter de comprendre ce qu’il voyait – le choc de ne pas être mort à l’instant viendrait sûrement plus tard – quand un membre de sa troupe le heurta dans le dos. John tourna légèrement la tête et vit son camarade s’arrêter, ouvrir grand les yeux, former un rond avec sa bouche mais, contrairement au gradé professionnel expert émérite survivant chevronné John Dunda, il ne lâcha pas un « Oh » peu conforme aux usages militaires mais hurla plutôt un « Soldats ennemis ! » en levant son fusil et tira sur l’adversaire le plus proche, usage parfaitement conforme aux usages militaire supposant que l’on tue tout ce qui n’appartient pas à son propre camp.

A partir de ce premier coup de feu, tout s’accéléra. L’adversaire devant John fut abattu par la balle qui l’atteignit à la gorge et le fit voler comme une poupée de chiffon lancée par un enfant colérique. Alors que sa propre troupe courait pour franchir l’angle de la gorge, se mettait à « couvert » – c’est-à-dire à genoux en se collant à la paroi – et commençait à tirer, John plongea derrière l’unique petit rocher disponible, opportunément placé à sa gauche. Après ce premier coup de feu et ce premier mort, les soldats ennemis reprirent immédiatement conscience et effectuèrent peu ou prou la même manœuvre que ceux d’en face, comme le miroir d’une même entité se consacrant avec soin à détruire cette fausse image d’elle-même. Chacun tira sur chacun. Les soldats de John s’entassaient dans la courbe du passage et offraient une cible facile mais étaient parfaitement placés pour tirer ensemble. Les soldats ennemis étaient plus dispersés, plus difficiles à toucher mais se gênaient les uns les autres pour tirer efficacement. Tout le monde hurlait. La fumée emplissait le passage comme une brume magique de prestidigitateur, dissimulant les ombres humanoïde de guerriers démoniaques crachant des éclairs, l’odeur de la poudre concurrençait celle du sang qui coulait, l’écho assourdissant des détonations rendait toute communication impossible, les âmes s’entrechoquaient, les corps se maculaient, les vies se vidaient, les peurs se matérialisent, la folie régnait, la mort frappait. La mort frappait. La mort frappait. La mort fauchait. Les hommes mouraient
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Episode 10

John n’avait pas tiré. La violence du moment l’avait paralysé durant de longues secondes, planqué qu’il était derrière son caillou. Et puis, il lui vint une excellente idée : un bon coup de dynamite et tout sera réglé. Il farfouilla frénétiquement dans son sac et se souvint qu’il avait confié l’explosif à un jeune soldat. Chanceux, il découvrit ce jeune homme juste à côté de lui, allongé en position de tir, l’axe de son fusil parfaitement aligné sur sa cible, la moitié de la mâchoire arrachée, sa langue pendante de manière grotesque sur le côté, comme un chien haletant. John agrippa le sac toujours accroché au dos du mort, tira le cadavre vers lui, à couvert, puis ouvrit le barda et en tira 3 bâtons de dynamite. Les tirs continuaient, les éclats de pierre étaient projetés en tous sens, plusieurs de ses hommes étaient tombés et le caporal Dunda espérait qu’il en était de même pour ceux d’en face. Il chercha dans ses poches ses allumettes, ne les trouva pas et connu un instant de panique puérile, comme un bleu ne trouvant plus sa baïonnette réglementaire devant l’inspection du gradé cherchant à faire un exemple. John allait se lever et finalement pointer son fusil dans la bonne direction lorsqu’il vit Finch, adossé à la paroi en face lui, le regardant en souriant, une boîte d’allumettes à la main. « Pas une seule blessure, le salopard ! », fut la première pensée de John. La seconde pensée, succédant immédiatement à la première, fut « Mes allumettes ! ». La fusillade continuait, grotesquement inutile. John vit au moins trois de ses soldats hors de combat, ou mort, ce qui revenait au même. Ils allaient tous s’entre-tuer si cela continuait. Le caporal Dunda regarda Finch, tendit les mains en un geste implorant l’absolution, faisant l’aumône, demandant la grâce, voulant des allumettes, symbole de lumière, de feu, de chaleur, de civilisation et d’explosion de nitroglycérine. Le bon Finch, toujours souriant, lança les allumettes vers son caporal. Par un extraordinaire hasard, au moment même où la boîte de bâtonnets soufrés s’envolaient en une courbe peu gracieuse depuis Finch vers John, une balle frôla la boîte, l’envoya voler en hauteur, tournoyant, virevoltant, pour finalement tomber très exactement au centre des mains tendues de John. Finch sourit, à nouveau, comme d’habitude.

Le caporal Dunda prépara deux mèches courtes, les planta dans la dynamite et gratta une allumette. Rien. Il en gratta une deuxième et, miracle, un minuscule feu apparut, annonciateur d’un plus grand. Il alluma immédiatement les deux mèches, se leva d’un bond et lança sans presque viser le premier bâton loin devant lui, vers les soldats les plus éloignés puis, presque dans un même geste, passa le deuxième bâton dans sa main droite, ramena son bras en arrière, visa plus soigneusement mais avec célérité les deux soldats ennemi regroupés à six mètres de là, puis ramena avec force son bras devant lui. A ce moment, deux constatations s’imposèrent à lui. Premièrement, aucun objet ne s’envola devant John. Deuxièmement, une sorte de pulpe rougeâtre terminait sa main droite. Interloqué par ces deux événements sortant totalement de l’ordinaire, il se retourna, entendit une balle siffler à ses oreilles, reçu un éclat de roche à la joue, croisa le regard horrifié d’un de ses camarades, en aperçu un autre se précipiter vers lui, baissa les yeux vers le sol, vit le cadavre à la gueule arrachée ainsi que deux soldats sautant vers le coude formé par la gorge et, finalement, au milieu des cailloux, de la fumée et du sang, un bâton de dynamite dont la mèche finissait de se consumer. Ah ! et deux doigts accroché ensembles. John vit très clairement cela et fut instantanément certain qu’il s’en souviendra toute sa vie. Et John sourit.
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Episode 11

La première sensation qui parvint au caporal Dunda fut un sentiment d’asphyxie. Non, plutôt d’oppression. Voilà, il se sentait oppressé, comprimé, compacté. Il avait du mal à respirer, devait fournir un effort immense pour soulever sa poitrine et faire entrer l’air dans ses poumons. Une sensation très désagréable, effrayante. La deuxième sensation qui parvint au caporal fut un bruit, une sorte de bourdonnement. Non, plutôt de vrombissement, comme lorsqu’une locomotive donnait de la vapeur en gare. Une troisième sensation parvint au caporal, mais il l’oublia aussitôt car il perdit à nouveau conscience.

La première sensation qui parvint au caporal Dunda au moment où il reprit conscience fut le bruit d’une conversation étouffée entre deux hommes. Il crut d’abord que ces personnes discutant étaient très éloignées mais à mesure qu’il reprenait ses esprits, le dialogue devint plus clair :

- « … idée absurde. Ils restaient là sans bouger, quel intérêt ?
- Intérêt ? Intérêt ! Vous n’y comprenez rien, mon pauvre ! Immobiliser toute une patrouille avec ce que vous qualifiez de « gribouillis puérils pour étudiant de deuxième cycle » présente un intérêt certain ! Les sujets restent intacts pour l’expérience !
- Intacts ? Vous plaisantez, j’espère ?! J’ai récupéré des bouts sur plus de cent mètres ! Au moins quatre sont totalement inutilisables et trois tellement abîmés qu’ils ne serviront probablement à rien ! Vous avez de la chance que le professeur n’ai prévu du matériel que pour une douzaine, sinon vous vous seriez retrouvé à nettoyer les éprouvettes et à corriger les examens des premières années !
- Est-ce que c’est ma faute s’ils ont utilisé de la dynamite ? Faut-il être stupide pour utiliser un explosif de ce type dans une gorge, en combat rapproché.
- Et puis, comment expliquez-vous que vos gribouillis n’aient pas retenu la première patrouille, hum ?
- … sans doute qu’un problème géologique ou météorologique a déstabilisé la cohérence hypermathématique de la fonction T en raison de…
- Gardez vos explications fumeuses pour le professeur. D’ailleurs, je vois son ornithoptère qui arrive. Mais avant cela, laissez-moi vous dire que… »

Les deux hommes s’éloigneraient et John recouvrit une partie de ses moyens, pour découvrir immédiatement qu’il en avait très peu. Il ne voyait qu’une paroi de la gorge avec, juste devant, du matériel, fils et tubes en métal, une sorte de chaudière, quelques caisses. Son champ de vision était fortement limité car sa tête était coincée sur le côté et une étoffe lui couvrait une partie du visage. Il avait du mal à respirer. Son thorax était compressé par un lourd poids. Il ne pouvait remuer ni bras ni jambes, tous ses membres étaient bloquées. John était encore calme. Il pensa qu’il était blessé, entravé et prisonnier, ce qui était plutôt une bonne nouvelle puisque cela signifiait qu’il était en vie et qu’on comptait le garder ainsi. Et puis, il remarqua dans le coin supérieur gauche à la limite de son champ de vision, à environ trente centimètres de lui, une main, paume tournée vers le haut. Du sang séché maculait cette main. Cette main. Main, doigts. Il avait atrocement mal à la main droite et la douleur lui éclaircie brusquement l’esprit. Il acquit alors, avec horreur, la certitude que ce qui le compressait de toute part était des cadavres, qu’il était littéralement enseveli sous les corps, qu’il étouffait sous la chair de ses compagnons (et de ses ennemis). Il voulut pousser un cri, hurler qu’il était vivant, qu’il fallait le sortir de là, qu’il ne fallait pas l’enterrer dans une fosse commune, qu’il s’appelait John Dunda et qu’il était vivant, vivant, vivant ! Mais le seul son qui sorti de sa bouche fut un mince filet d’air, un vague gémissement moins fort que le simple bruit du vent dans la gorge. Il allait être enterré vivant ! Non, non, non ! Pas ça ! Non ! La panique saisi John. Son cœur s’emballa, l’air devint plus rare, sa vision s’obscurcit. Il crut voir une sorte de gigantesque insecte passer rapidement dans le ciel puis le néant le submergea. Sa dernière pensée, étrange, fut « Je suis vivant et vous êtes mort ».
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Episode 12

Odeur de pluie. Non. D’orage. Bruit. Grésillements. Voix. Plusieurs. Chaud et froid. J’ai. En même temps. Mal. Beaucoup. Mal. Tête, gorge, torse, main. Mal. Beaucoup. Comme… avant ? Oui, comme avant, comme avant, avant l’explosion. Non, après l’explosion, avant… non pendant les cadavres, autour de moi. Oui, des cadavres. Je suis entouré de cadavres, je suis au milieu de cadavres, je suis… mort ? Non, trop mal pour ça. Je suis vivant, entre des cadavres, des corps entassés, je suis vivant, il faut leur dire, je suis en vie, je ne suis pas mort, je ne veux pas mourir, je veux…

- « Tout est en place, professeur. Le tensiomètre est sur 120, comme vous l’avez demandé.
- Hum… Vous êtes-vous assuré qu’il ne reste aucune des équations de notre ami Ebenezer contre les parois ? Je ne voudrais pas voir l’expérience gâchée par des interférences hors de propos.
- Absolument, professeur, j’ai personnellement supervisé l’effacement de ces gribouillis qui…
- Vous ne supervisez rien, Danton, et les équations d’Ebenezer ne sont pas des gribouillis. Cessez vos stupides chamailleries puériles et concentrez-vous sur votre tâche. Activez la machine, voyons si nos calculs s’avèrent exacts cette fois. »

John vit rapidement passer devant son champ de vision limité deux hommes. Le premier était grand, la cinquantaine, maigre, les cheveux mi-longs grisonnants, le visage dur, portant un long manteau de cuir brun. Le deuxième homme était plus jeune, plus petit, le visage alerte avec de grands yeux, vêtu d’un costume de ville à « l’écossaise » fort coûteux et tout-à-fait hors de propos dans cet environnement désolé. Quelques secondes plus tard, des fils de cuivres tendus à une trentaine de centimètres du sol que John n’avait pas encore remarqué se mirent à luire faiblement à environ un mètre de lui. Cela ressemblait à une sorte de mini télégraphe et, au moment où le caporal rassemblait ses dernières forces pour hurler, un vacarme invraisemblable se fit entendre, comme si la vapeur sous pression de cent locomotives se relâchait brusquement. Au même instant, la lumière émise par les fils de cuivre passa du gris terne au blanc absolu d’un éclair puis, immédiatement après, au vert glaireux si caractéristique de la roche fantôme brûlante. Un vent violent se leva. Des bourrasques d’air chaud puis froid frappèrent les corps entassés, tournoyantes mais restant strictement concentrées dans le cercle verdâtre luminescent. Le vent hurlait, John hurlait, l’univers hurlait. La tornade gagna encore en intensité, tourbillon vert de folie dans le crépuscule tombant. Le vent hurlait, la roche fantôme hurlait, la Réalité hurlait. John senti bientôt les cadavres bouger autour de lui et pensa « Mon Dieu, je vais être aspiré vers le ciel ».
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Episode 13

Et puis, le maelstrom dément cessa brusquement, d’un seul coup, comme une chandelle quel l’on souffle. Le changement fut si rapide, si brutal, que le caporal en eu la respiration coupée, comme si l’air avait été expulsé de ses poumons non pas par la pression exercé sur lui par les corps mais plutôt comme si l’oxygène lui-même n’avait plus existé pour un court instant. John hoqueta, suffoqua et fut pris d’un brusque mouvement musculaire, se détendant comme un arc pour chercher l’air qui manquait et qui revint en un souffle. Il aspira goulûment, douloureusement, un air vicié de charogne, tellement ordinaire sur un champ de bataille. Il n’y avait plus de fardeau sur lui et il se mit à genoux, tentant péniblement de respirer, une main reposant sur le sol et l’autre, blessée, reposant dans son giron. La douleur était là mais John se concentrait sur sa respiration. Bientôt, il senti tiré, soulevé. Chancelant, il se mit debout et regarda celui que le tenait ainsi. C’était Finch : « Ne bouge pas et arrête de respirer », chuchota-t-il. John ne reconnut pas la voix de Finch. Il vit son sourire tel qu’il ne l’avait jamais vu : pas joyeux, simple et habituel, mais moqueur, dur et froid. Le caporal tourna la tête et serait tombé si Finch ne l’avait pas soutenu. Ils étaient tous debout. Tous. Tous les soldats. Les siens, les autres, tous. Celui qui avait un bras arraché, celui à qui il manquait la mâchoire, celui qui avait ses entrailles pendantes jusqu’à ses genoux, celui qui avait une cavité dans la tête, celui qui semblait à moitié brûlé, celui qui avait un pied en lambeau, celui qui avait une dizaine de trous sanglants dans son uniformes. Tous. Debout. Autour de lui, dans le cercle de cuivre. Et plus loin, trois hommes : celui qu’il identifia comme le professeur ayant parlé précédemment, dans son manteau de cuir, celui en costume rayé qui s’était fait rabroué et avait activé la « machine » et, enfin, un troisième personnage d’une trentaine d’année, les cheveux noir, le visage beau mais émacié, vêtu d’un lourd tablier lesté de métal, portant des gants montant jusqu’aux coudes et un casque. En face de John, un fouillis de câbles partait du cercle autour des soldats pour arriver à une vaste table - derrière laquelle se trouvait costume rayé - débordante de matériel et où pulsaient diverses lumières sur des cadrans de toutes tailles au milieu des molettes et des leviers. Sur la gauche, le beau jeune homme se tenait devant une pyramide d’acier haute de trois mètre surmontée par un disque du même matériau, orienté en direction des militaires. Il portait un genre de heaume conique sans visière d’où partait de nombreux fils reliés à la pyramide et au boîtier qu’il tenait dans ses mains.

Rien ne se passa. Personne ne bougeait. John s’était figé, terrifié, entouré de morts, appuyé contre Finch qui l’avait discrètement lâché. Les soldats restaient statiques, se balançant légèrement, tournant doucement la tête dans un sens puis un autre en attendant… quoi ? De tomber ? De retourner, ou plutôt d’aller en terre ?
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Re: Un matin ordinaire (divagations)

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Episode 14

- « Et alors, Ebenezer ? Ça vient ?
- J’essaye professeur.
- Concentrez-vous, mon vieux, ils ne vont pas rester comme ça es heures. Enfin… probablement pas. »

L’homme avec le heaume fit une grimace étonnement comique au vue de la situation, comme s’il essayait à la fois d’allumer une bougie du regard et de déféquer, le tout sous un casque ridiculement pointu. Une minute passa. Rien. Les morts restaient debout, les « scientifiques », puisqu’ils semblaient en être, restaient debout, et John restait debout, les jambes tremblantes, faibles comme un nouveau-né, appuyé contre Finch, mais résolument debout, comme les soldats vivants qui restaient debout alors que les morts en sursis étaient à genoux ou, pire, au sol. Enfin, d’habitude.

- « Alors ?
- Je… je n’y arrive pas, professeur. Je n’arrive pas à établir de lien, c’est sans doute un problème de…
- C’est bon, on arrête l’expérience, répliqua le professeur sur un ton sec et cassant. On retentera une dernière fois à la prochaine patrouille. Vous et Danton avez intérêt à me régler tout ça rapidement, je ne compte pas m’éterniser ici encore longtemps. Nos protections et nos illusions ne vont plus tenir des jours. Le diffracteur luminescent ne fonctionne déjà presque plus. Rechargez l’appareil, réparez ou faites ce que vous voulez avec votre satané casque – qu’est-ce qui m’a pris de vous faire confiance, je me le demande – et priez pour que le prochain essai soit le bon, et ça vaut aussi pour vous Danton, compris ?
- Oui professeur, tout de suite professeur… euh…
- Quoi encore, Danton ?
- Euh… Qu’est-ce qu’on fait des sujets présents ? On les enterre ?
- Mais qu’est que vous voulez que ça me fasse, bon sang !? Enterrez-les, renvoyez-les, mais qu’ils ne soient plus là lors de la prochaine expérience, dit le professeur en haussant tellement la voix qu’il commençait à crier ! Je Ne Veux Plus Les Voir ! Compris !? Vous m’entendez, dit-il en se tournant vers le cercle des morts, je ne veux plus vous voir ! Dégagez d’ici, faite place, résidus d’expérimentations mal séchées ! Rentrez chez vous bande de soldats imbécile et allez dire à vos chef que même morts vous êtes inutiles ! Vous m’entendez, hurla-t-il, les yeux fous, l’écume aux lèvres, prit d’une rage que ne laissait pas présager un instant plus tôt ses manières distinguées ? PARTEZ !»

Alors, contre toute attente autre que narrative, ils partirent. John vit les soldats ennemis marcher tous dans le même sens et sa propre escouade prendre la direction opposée, les deux troupes se séparant comme une bande de fêtards rentrant chez eux après une soirée de beuverie, titubant, se cognant contre les uns les autres, à la différence près que contrairement à une sortie en ville, il régnait un silence de mort. Finch poussa le caporal Dunda de l’épaule en même temps que leurs compagnons se mettaient en route et ils prirent la direction de leur camp. John ne jeta pas un regard aux scientifiques mais entendit encore pendant un temps leur voix :

- « Qu’avez-vous fait Ebenzer, demanda le professeur ?
- Mais rien Monsieur ! Je crois que c’est vous qui les avez fait partir, en leur « parlant ».
- Humm… étonnant. Ils obéiraient tout simplement à la voix ? Voilà qui ouvre des perspectives… Danton, prenez l’ornithoptère et suivez ce groupe, je veux connaître leur autonomie, combien de temps ils restent debout, comment ils se comportent, tout. Ebenezer, venez avec moi, nous allons poursuivre les expériences vocales avec ce groupe-ci. Allons Messieurs ! Du cœur à l’ouvrage, la science est en marche !... comme eux, hahahahaha ! »
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Re: Un matin ordinaire (divagations)

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Episode 15

John entendit les rires forcés des deux autres scientifiques en réponse. Le professeur semblait maintenant d’excellente humeur et avait retrouvé le ton distingué qui était le sien avant son accès de fureur qui, par contraste, était d’autant plus terrible. Si John n’avait pas été en train de marcher avec ses camarades morts, après s'être cru enterré dans une fosse commune, après s’être vu mourir dans un accrochage avec l’ennemi, si John n’avait pas vécu tout cela en quelques heures, le rire dément du professeur l’aurait immédiatement incité à prendre son arme et à tuer la créature capable d’un tel son. Mais le caporal marchait maintenant avec des soldats morts vers son camp de base et voyait à deux mètres de lui l’homme à la mâchoire arrachée et un autre plus loin qui traînait ses entrailles au sol, et ce rire n’était plus que la musique naturelle des derniers événements.

La troupe rentrait à son camp de base. John rentrait au camp de base. La mission était terminée, même si John était incapable de se souvenir en quoi elle consistait. Ils rentraient. Ensembles, et c’était bien. Bientôt, le caporal entendit au-dessus de lui le bruit d’un moteur et vit un étrange appareil volant constitué d’une structure métallique sur laquelle tournait à grande vitesse une hélice sur le dessus et une autre au bout d’une sorte de queue. Au milieu, un homme, Danton, pilotait l’engin, harnaché à un siège minuscule laissant pendre ses jambes dans le vide. Apparemment, il tentait de perdre des notes tout en dirigeant la machine, ce qui le faisait tanguer de manière comique. Personne ne rit, alors John non plus. Personne ne respirait non plus, d’ailleurs, à part John.

La troupe rentrait à son camp de base et repassait par le même chemin qu’à l’allée. Ils marchèrent jusqu’au lieu de confrontation avec les soldats ennemi. Une paroi s’était effondrée, sans doute sous l’action d’une « utilisation massive d’explosifs conduisant à des pertes regrettables compensée par le coup décisif porté à l’ennemi dans le cadre de l’opération menée à bien », pensa le caporal. Inutile de préciser d’où venait la dynamite. Quelle importance, après tout ? Les gradés sacrifieraient volontiers deux soldats pour chaque adversaire tué, pour autant qu’ils aient assez d’hommes. Quelle sera leur réaction quand ils verront la troupe revenir au complet, moins quelques morceaux ? Sans doute y verront-ils une bonne opération, le soldat « réutilisable », même après le décès (sans danger si utilisé selon le mode d’emploi).
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